Comme pour Pédés l’an dernier, les éditions Points ont rassemblé un collectif de huit auteurices de divers horizons pour parler du mot, de l’identité et de l’expérience gouine. L’ouvrage est coordonné par les brillantes Maëlle Le Corre et Marie Kirschen et c’est un délice.
L’avant-propos frappe fort, c’est un uppercut dans la gueule de l’hétéropatriarcat, il dit tout d’emblée avec une limpidité magistrale et je me suis même dit « oh doucement quand même, faut garder des trucs à dire ! » Mais le premier texte dit plus encore, c’est Marcia Burnier qui raconte son expérience de vendange tardive, les références à rattraper, la légitimité qui vient par la littérature et Dorothy Allison, et puis l’impossibilité paradoxale d’écrire l’amour. C’est assez sublime, je suis mécontente que ça s’arrête mais je tourne la page quand même.
C’est au tour de Meryem Alqamar. Comment dire. C’est écrit dans une langue tellement belle et douce que mon cœur bat un peu plus vite en y repensant. C’est un texte remarquable sur la mort d’une grand-mère, mais aussi sur une Tata N. qui collectionnait les maillots de foot. Ça parle d’avion, d’une hôtesse de l’air, du fait d’avoir un autre pays de l’autre côté de la Méditerranée et puis d’amour bien sûr. La tendresse de la plume est époustouflante, de celles qui font monter les larmes de trop de beauté, de celles qui vous donnent envie de souligner chaque phrase et de les partager à tout le monde « eh regardez comme c’est beau, regardez comme c’est doux »
J’ai le souffle coupé mais il reste encore six textes et autant de traits de génie lesbien, comment les raconter sans spoiler et sans tomber dans une énumération en bullet points ? J’ai pas trouvé la réponse, alors les voici :
- le Déjeuner sur l’herbe de Marie Kirschen décortique la consangouinité (l’ex de ton ex est l’actuelle de mon ex, tu connais) et notre super-pouvoir : rester – vraiment – ami·e avec ses exs ;
- la « poésie simple » que propose Noémie Grunenwald n’a en fait rien de simple, c’est même très compliqué d’écrire en vers l’expérience g0u*ne de cette façon, ses splendeurs, ses misères, son désespoir parfois mais l’humour et la joie, surtout.
- notre Carrie Bradshaw Maëlle Le Corre se penche sur son sentiment d’illégitimité alors que c’est la plus lesbienne d’entre nous, j’étais là « mais qu’est-ce que tu RACONTES ?! » et en vrai je voulais qu’elle raconte encore tellement c’était intelligent et succulent ;
- par une allégorie bien sentie Erika Nomeni tend un miroir à la communauté lesbienne qui oublie ses propres marges et n’est pas exempte de racisme, classisme, grossophobie : c’est fort (et ça finit bien) ;
- Amandine Agić se rappelle de ses camarades radicales de lycée à pinceaux dans les cheveux et de sa place de prolétaire dans la commu, wah faut voir comment ça secoue ;
- la lettre de No Anger à l’enfant qu’iel a été est pleine d’humour et de tendresse et cette histoire de réconciliation avec le film Thelma & Louise est sûrement la plus belle conclusion possible d’un ouvrage qui fera date.
Gouines, collectif, éditions Points, sortie le 08/11/2024