Nous Autres, Donna Gottschalk, Hélène Giannecchini avec Carla Williams au BAL

Marlene & Lynn, E. 9th Street, New York, 1970 © Donna Gottschalk

Deux ans après Ce qui fait une vie à la galerie Marcelle Alix, voilà que la puissante tendresse de l’œuvre de Donna Gottschalk revient à Paris. C’est au BAL qu’a lieu cette rétrospective d’ampleur tant par le nombre d’œuvres que par l’attente qu’elle suscite chez nous les gouines. Il fallait voir l’effervescence hier soir au vernissage dans cette impasse du 18e, on pétillait de se (re)trouver, se (re)voir là entre nous et sur les murs la bien nommée exposition : Nous autres.

Lesbians Unite, Revolutionary Women’s Conference, Limerick, Pennsylvania, oct. 1970 © Donna Gottschalk

« J’ai l’impression de voir des photos de mes potes » entendait-on devant les photos de Donna Gottschalk, une working-class dyke née à New York en 1949. Elle a 20 ans au moment des émeutes de Stonewall et c’est elle qu’on voit un an plus tard à la première pride tenir fièrement la pancarte I am your worst fear I am your best fantasy. Par la magie des réseaux de transmissions queer, cette photo culte a traversé les années pour faire partie de nos musées imaginaires. Carla Williams, photographe et historienne de l’art queer noire, l’a découverte un jour et gardée toute sa vie comme un talisman, ressentant une grande affinité avec cette jeune femme sans savoir qui elle était… jusqu’à ce qu’Hélène Giannecchini lui demande d’écrire un texte pour cette expo et qu’elle découvre que c’est Donna. L’histoire est tellement invraisemblable qu’on n’aurait pas pu l’inventer. Avec Tender et son travail de l’autoportrait, Carla Williams comble le manque encore béant de représentations de femmes noires dans l’art de la photo.

Untitled (bra) / San titre (soutien-gorge), Albuquerque, 1987 – 1989 © Carla Williams

Son travail résonne comme une évidence avec celui de Gottschalk qu’on voit et entend se déployer dans un film, « I want my people to be remembered », et au sous-sol avec un accrochage pensé comme une balade littéraire. C’est Donna qu’on lit dans les légendes, elle qui se souvient de tous les prénoms. Le contexte politique est indissociable de ses photos, c’est aussi une expo sur ce que le capitalisme fait aux corps précaires.

Dormeuses / Sleepers, Revolutionary Women’s Conference, Limerick, Pennsylvania, 1970. © Donna Gottschalk

La singularité oblique de sa photographie se voit en particulier lorsqu’elle assiste à des réunions et des conférences militantes féministes ou LGBTQ+. Ici, elle prend celleux qui écoutent, pas celui ou celle qui parle. Là, elle montre comment dorment les militant·e·s ou capture un moment de tendresse entre amant·e·s entre deux meetings. Mais surtout, ce qui saute aux yeux, c’est la tendresse et l’amour de ce regard, perceptible à chaque endroit. Sa meilleure amie Marlene, sa sœur Myla, ses amantes : elle les aime, ça se voit et ça se transmet.

Diana Jo Davies, Donna Gottschalk tenant une pancarte « Je suis votre plus grande peur, je suis votre plus grand fantasme» pendant la Liberation Day Parade, à Christopher Street, 1970, département des manuscrits et des archives, New York Public Library.
Diana Jo Davies, Donna Gottschalk holds poster « I am your worst fear I am your best fantasy » at Christopher Street Gay Liberation Day Parade, 1970. Manuscripts and Archives Division, New York Public Library.

Nous autres, une exposition de Donna Gottschalk, Hélène Giannecchini, Carla Williams, au BAL du 20 juin eu 16 novembre 2025.