[Critique] JJ (2024) de Pauline L. Boulba et Aminata Labor

Pour le mois des fiertés, Mediapart et Tënk diffusent le documentaire « JJ », une quête à New York sur les traces de Jill Johnston, lesbienne extraordinaire.

« Souviens-toi. Fais un effort pour te souvenir. Ou à défaut, invente. »
Cette phrase des Guérillères de Monique Wittig pourrait être le fil rouge de ce documentaire comme elle l’était du livre d’Hélène Giannecchini, Un désir démesuré d’amitié. Dans cette pépite d’1h10, on part avec Popo et Ami sur les traces d’une lesbienne presque oubliée, trop peu connue en France comme d’ailleurs aux États-Unis où elle vivait.

Jill Johnston, « écrivaine-critique d’art-performeuse-zbeuleuse féministe lesbienne. » Elle est critique de danse dans le Village Voice à partir de 1959 et va peu à peu transformer sa chronique en une sorte de journal lesbien délirant du New York des années 1970. En racontant le Judson Dance Theater, elle écrivait déjà sur ses ami·e·s et ses amantes, mais au fur et à mesure, le titre de la colonne « dance journal » devient « jill johnston », la journaliste devient la lesbienne, l’écriture devient performance. Elisabeth Lebovici, dans une interview qui paraîtra bientôt sur lesbien raisonnable, m’en a parlé comme d’une « sorte de Guillemette Dustan. »

Le procédé de JJ, le docu, résonne très fort avec The Watermelon Woman : on assiste à l’archéologie de lesbiennes cherchant leur histoire, leur adelphe et ancêtre gou!ne passionnée de danse et profondément militante. Et parfois c’est une impasse, mais une impasse qui donne lieu à une géniale inventivité : ainsi un film d’Andy Warhol où Jill Johnston danse sera reconstitué avec force perruques car ses droits sont bien trop chers pour un docu fauché.

Jill est une lesbienne politique, une vraie. Pour elle, toutes les femmes sont lesbiennes ou devraient l’être. Elle l’affirme devant Norman Mailer ou Betty Friedan avec un sens délicieux du happening. Dans le docu, on croise aussi Lucinda Childs, Sarah Schulman et Flavia Rando qui explique que « la danse a tellement à voir avec la libération des lesbiennes. »

JJ est à voir sur Mediapart (gratuit pour les abonné·e·s) et Tënk. On peut lire certains des articles de cette badass dans le très beau recueil « Tartine-moi et autres textes » aux éditions Brook.

Portriat of American journalist and author Jill Johnston, then a columnist for the Village Voice, during the second annual Stonewall anniversary march, then known as Gay Liberation Day (and later Gay Pride Day), New York, New York, June 27, 1971. She wears a t-shirt that reads ‘Gay Revolution.’ (Photo by Fred W. McDarrah/Getty Images)
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