Depuis le début de l’année, les lesbiennes brûlent les planches et on ne sait plus où donner de la tête pour les suivre. Récap des spectacles vus jusqu’à présent et ceux qu’on attend de pied ferme.
Nous étions la forêt, Agathe Charnet

Après Ceci est mon corps qui m’avait SHAKE SHOOK SHAKEN en 2022 tellement ce texte était beau et plein de génie lesbien, l’autrice et metteuse en scène revient avecl’histoire d’un bois, celui de la Buchette, et de six personnages : le couple (hétéros) de néo-ruraux, le garde-forestier, l’infirmière à domicile, une ornithologue, et une arboriste incarnée par lae phénoménal·e Virgile L. Leclerc. Iel a réussi à faire rire aux éclats la classe de lycéen·ne·s venus voir le spectacle le soir où j’y étais, un public pas facile à conquérir. Bien sûr, puisqu’on est chez Agathe Charnet, il y a une jolie histoire d’amour lesbienne qui se développe, mais ce n’est pas le sujet principal. Entre la comédie musicale et la fable, Nous étions la forêt questionne l’imaginaire de la ruralité, le militantisme écolo et le sens du collectif. C’est objectivement très réussi et même si ça touche légèrement moins mon cœur de gouine que Ceci est mon corps, je recommande. Voir les prochaines représentations (Le Havre, Orléans, Epernay…)
Privé S.V.P., Maud Lübeck

Qui d’autre que Clotilde Hesme aurait pu me sortir de l’hibernation et me faire traverser tout Paris dans le froid de février ? Au Théâtre 14, elle incarne Maud Lübeck qui est là aussi sur scène, au clavier, aux côtés de deux musiciennes, l’une au violon et l’autre au violoncelle – l’instrument lesbien par excellence. C’est une histoire très lesbienne de perte et de deuil, d’amour et de créativité aussi.
À la fin des années 80, dans une campagne française, Maud la collégienne en rencontre une autre, Claude. C’est peut-être son âme sœur ou son double, elle ne sait pas très bien, mais elle veut passer le plus de temps possible avec elle. Ça finit par arriver, quelques heures seulement, mais la vie de Maud en est chamboulée. Le texte raconte cette chose très bien : la façon dont, à l’adolescence, une seule soirée peut changer ta vie. Comment aussi on aspire à une amitié – ou ce qui semble être de l’amitié – fusionnelle à cet âge-là avec quelqu’un qui nous renverse d’admiration.
Un jour, un drame, un bête accident de voiture, Claude meurt. Comment survit-on à un tel deuil, comment gère-t-on le fantôme de ce crush, comment la peine se transforme en création ? Il est question de ça dans Privé S.V.P. Question du double aussi, mise en corps par Clotilde Hesme qui incarne Maud Lübeck, en écho, en dialogue, juste à côté. Sur scène, derrière elles, sont projetées différentes « pièces à conviction » : des photos, des rêves et des bouts de ce journal intime devenu journal de deuil. On y entend ce que ça faisait d’être une bébé lesbienne dans les années 80 quand on ne savait même pas que ça pouvait exister. Il y a des chansons, bien sûr, et si comme moi vous êtes fan de Clotilde Hesme, impossible de ne pas penser aux Chansons d’amour d’Honoré, pour la mort absurdement jeune sur fond de doux piano-voix. C’est beau et triste comme du Chopin.
Privé S.V.P. est la continuité du livre du même nom (Nouvel Attila, 2023) et de l’album 1988, chroniques d’un adieu. Il faut croire aux fantômes qu’on se trimballe toustes, aux auras qui ont l’air du requiem de Mozart, aux énergéticiens et à la pulsion de vie qui passe par l’art. Bien sûr que Maud Lübeck est Cancer. 3L Lesbien raisonnable. Jusqu’au 15 février 2025 au Théâtre 14 à Paris.
Requin velours, Gaëlle Axelbrun

C’est l’histoire de Roxanne et de sa reconstruction après un viol. C’est un mot qu’on a du mal à entendre, une réalité banale mais qu’on ne veut pas voir, mais ici, vu le dispositif scénique, impossible de détourner le regard : on est disposé autour d’un ring de boxe, tout proche. Le texte est cru et poétique, les acteurices sont très, très fort·e·s (Mécistée Rhea, Cécile Mourier et la boxeuse Amandine Grousson) et malgré quelques longueurs, ce spectacle est globalement une bonne grosse claque. On y parle de comment se faire justice, de vengeance et de consolation – qui se trouve ici dans l’amitié, les blagues et l’amour lesbien. Il est question de travail du sexe aussi, et c’est plutôt bien abordé. Le sujet de Requin velours est lourd et on pourrait en ressortir plombé, mais c’est sans compter les touches d’humour et l’énergie des acteurices. Une écriture prometteuse. Jusqu’au 21 février 2025 au Théâtre ouvert à Paris.
La Gouineraie, Rébecca Chaillon

La gouine des villes Rébecca Chaillon part s’installer avec sa gouine des champs Sandra Calderan. Couple à la ville (ah!), les deux comédiennes gouinisent Tchekhov et sa Cerisaie en faisant exploser le fantasme de retour à la terre des néo-ruraux et le modèle de la famille nucléaire. Aussi, et entre autres interrogations, c’est quoi être noire et gouine à la campagne ? Et si on essayait le polyamour ? Qu’est-ce qu’on mange ? Si vous avez raté la Gouineraie à la Maison des Métallos à Paris en janvier, vous pouvez vous rattraper aux Avant-Postes à Bordeaux les 12 et 13 février et les 14 et 15 mai 2025 au T2G à Gennevilliers.

Thérèse et Isabelle, Marie Fortuit

Le roman lesbien censuré de Violette Leduc porté sur les planches ! C’est le pari audacieux de Marie Fortuit qui va mettre en scène la passion ravageuse de deux adolescentes dans un pensionnat du siècle dernier. Il y aura des chansons et Louise Chevillotte. Du 26 au 28 février au Phénix (Valenciennes) et du 28 mars au 08 avril 2025 au Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt (Paris)
romance queer, Virginie Despentes

Après le carton de la pièce collective Woke à Lille, Virginie Despentes présentera au petit Théâtre de la Colline à Paris une œuvre encore mystérieuse provisoirement intitulée romance queer. On note déjà les dates : du 20 mai au 22 juin 2025.