« 2020 sera lesbien » clamait au dĂ©but de l’annĂ©e ce graff de douceurxtreme sur un mur prĂšs de chez moi. Bon, dans l’ensemble 2020 a dĂ©jouĂ© toutes les prophĂ©ties et rien ne s’est passĂ© comme prĂ©vu, mais ces lettres gĂ©antes n’avaient pas tort. Voyons voir : pour la premiĂšre fois, il y a dĂ©sormais une lesbienne out en activitĂ© dans l’Ă©quipe de France de foot. Une Ă©crivaine lesbienne musulmane a Ă©tĂ© la star de la rentrĂ©e littĂ©raire, invitĂ©e sur tous les plateaux. Une chanteuse belge caracole en haut des tops Spotify et, si elle n’a pas encore proclamĂ© son Ă©tiquette, a dĂ©clarĂ© sa flamme Ă sa meuf en toute simplicitĂ© devant ses 2,8 millions d’abonnĂ©.e.s. En se levant et en se barrant, une actrice lesbienne a probablement changĂ© la face du cinĂ©ma français. Une rĂ©alisatrice lesbienne a fait un film lesbien qui a tellement rĂ©sonnĂ© dans le monde entier que son nom se porte sur des t-shirts les jours de fĂȘte aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis justement, une lesbienne noire est nommĂ©e chief of staff de la VP aprĂšs avoir menĂ© sa campagne. A la fin du prochain film, 007 ne sera plus incarnĂ© par un Ă©niĂšme dude en costume, mais par une actrice noire, lesbienne et out. En France, depuis cet Ă©tĂ©, tout le monde peut citer le nom d’une Ă©lue au conseil de Paris, lesbienne, out et maintenant autrice. A Paris, deux endroits vont porter le nom de lesbiennes : l’allĂ©e Chantal Akerman dans le 20e arrondissement et le jardin Monique Wittig, dans le 14e.
Bien sĂ»r, il reste Ă©normĂ©ment de travail, pour la visibilitĂ©, contre la lesbophobie. Mais peu Ă peu, grĂące Ă elles et aux autres, il va devenir de plus en plus compliquĂ© d’ignorer l’existence du gĂ©nie lesbien. Leurs noms : Pauline Peyraud-Magnin, Fatima Daas, AngĂšle, AdĂšle Haenel, CĂ©line Sciamma, Karine Jean-Pierre, Lashana Lynch, Alice Coffin.

Musique
Seuls et vaincus est un titre du nouvel album de Gaël Faye, chanté en duo avec Mélissa Laveaux, sur des paroles écrites par Christiane Taubira. Dois-je en rajouter pour que vous écoutiez ?
Autre ambiance, autre duo : on a regardĂ© avec intĂ©rĂȘt le clip de Fever de Dua Lipa et AngĂšle (#castrĂ©), qui nous a rappelĂ© qu’un jour, aux Grammys, Dua Lipa a fait un live un peu olĂ©-olĂ© avec St Vincent (TW : ambiance lesbian twins et ongles dĂ©mesurĂ©s.)
Juste avant les rĂ©sultats des Ă©lections amĂ©ricaines, la trĂšs rare Tracy Chapman est venue sur un plateau TV nous chanter Talkin’ about a revolution, avec un petit twist Ă la fin. Merci Ă elle.
Autres clips : Aloïse Sauvage et un nombre insensé de chats / Lala &ce à la piscine / Suzane et les affres du confinement en couple.
Podcasts et radio
Christiane Taubira dans La Poudre. Tout simplement.
Un épisode de Gouinement Lundi un peu meta sur une émission de radio gouine, et avec Elodie Font.
Fracas, un podcast sur la parole qui a reçu Fatima Daas et Alice Coffin, entre autres.
Alice Coffin qui est aussi venue dans ce Modern Love, qui nous offre une intro mémorable sur les ouins-ouins .
Les points sur les i par Ari de B dans Grand bien vous fasse.
Un numĂ©ro de Foule continentale oĂč, au dĂ©tour d’une interview avec des bonnes soeurs en ArdĂšche, survient un coming out tout doux.
Et AdĂšle Haenel qui, un matin de septembre, amena les mots de Monique Wittig sur France Inter.
Cinéma français
J’hĂ©site Ă appeler cette rubrique Que fait CĂ©line Sciamma ? Ce serait plus honnĂȘte. Eh bien en ce moment, elle tourne ! C’est officiel, puisque le Film Français le dit. Que faut-il retenir ? Le film s’appelle Petite Maman. Les personnages principaux sont deux enfants de 8 ans – Nelly et Marion, probablement. Comme pour Portrait de la jeune fille en feu, la cheffe op’ est Claire Mathon. Le budget est, disons, plutĂŽt serrĂ©. Le tournage a lieu maintenant, jusqu’Ă dĂ©but dĂ©cembre.
Sinon, CĂ©line a fait dans la charitĂ© en offrant, avec LĂ©a Mysius, un scĂ©nario Ă Papy Jacquo. Le film est aussi en tournage, il s’appelle Les Olympiades et est adaptĂ© de ce roman graphique. Le synopsis et les photos volĂ©es laissent prĂ©sager, a minima, de la bisexualitĂ© et au casting sont annoncĂ©es Jehnny Beth et NoĂ©mie Merlant.
Enfin, pour clore le point CĂ©line, sachez qu’il est en ce moment trĂšs facile de (re)voir Naissance des pieuvres et Bande de filles.
Autre film lesbien en tournage : celui de Catherine Corsini, La Fracture, oĂč il est question de jambe cassĂ©e, de gilets jaunes, d’hĂŽpital dĂ©bordĂ© et de divorce. Avec Marina FoĂŻs et Valeria Bruni-Tedeschi dans les rĂŽles de Raf et Julie.

CinĂ©ma – suite
25 novembre 2020 : c’est la date Ă laquelle doit sortir en streaming Happiest Season, marketĂ©e comme la premiĂšre romcom de NoĂ«l lesbienne. La sortie en salles est annulĂ©e, c’est sur Hulu qu’on pourra voir Kristen Stewart et Mackenzie Davis dans ce film rĂ©alisĂ© par ClĂ©a Duvall et dont le titre français est – attention c’est trĂšs impressionant – Ma belle-famille, NoĂ«l et moi. La bande-annonce arrive aujourd’hui Ă 21h.
10 dĂ©cembre 2020 : D’aprĂšs le compte Instagram du film, c’est la date Ă laquelle nous pourrons voir IfĂ©, premier film de Nollywood positivement lesbien. Sa rĂ©alisatrice, Uyaiedu Ikpe-Etim,a accordĂ© une interview Ă Autostraddle en septembre.
11 dĂ©cembre 2020 : Si vous n’ĂȘtes pas fatigay de l’AmĂ©rique, c’est la date Ă laquelle The Prom arrive sur Netflix. Qu’est-ce ? Une sorte de comĂ©die musicale oĂč une lycĂ©enne veut emmener sa petite amie au bal de promo, mais c’est compliquĂ©. Avec Kerry Washington, Meryl Streep et Nicole Kidman (quand mĂȘme.)
18 dĂ©cembre 2020 : Le blues de Ma Rainey (Ma Rainey’s Black Bottom en VO), toujours sur Netflix. Viola Davis incarne cette icĂŽne du blues des annĂ©es 20 qui, semble-t-il, aimait Ă organiser des orgies lesbiennes.

Pourra-t-on voir en 2021 Saoirse Ronan et Kate Winslet lesbianiser tout en cherchant des fossiles dans Ammonite ? Nulle ne le sait, nous pouvons néanmoins regarder la bande-annonce, lire les premiÚres critiques et rire en imaginant la comparaison avec le Sacro-Saint-Portrait.
PrĂ©sentĂ© au festival de Venise et Ă celui de la Roche-sur-Yon, The World to come raconte l’histoire peu joyeuse de deux femmes qui tombent amoureuses dans une campagne de l’AmĂ©rique puritaine du milieu du XIXe.
VoilĂ qui commence Ă faire beaucoup de films lesbiens en costumes, ce qui pousse Ă s’interroger (in english) : n’y aurait-il pas un problĂšme avec les films lesbiens « d’Ă©poque », toujours avec des blanches ?
Dans le prochain opus de James Bond qui doit sortir en mars 2021, on verra une passation entre Daniel Craig et Lashana Lynch. Le prochain 007 sera une femme, noire et lesbienne. Les ouin-ouins se voient dĂ©jĂ Ă©masculĂ©s. On avait repĂ©rĂ© Lashana dans Captain Marvel, les shippers ont shippĂ©. Pour le moment, pas d’informations quant aux eux James Bond girls (mais j’ai bien peur que LĂ©a Seydoux soit encore dans les parages.)
On attend des nouvelles du biopic de Tove Jansson, du film de Verhoeven sur Benedetta, et de Nun of your business, un film documentaire sur deux ex-nonnes (dĂ©cidĂ©ment) en Croatie dont l’affiche nous rappelle l’une des scĂšnes les plus drĂŽles de The L Word.

Séries
Dix pour cent s’est finie et c’Ă©tait un peu triste, moins pour la fin en elle-mĂȘme que pour l’absence de sens politique qui a donnĂ© lieu aux scĂšnes aux CĂ©sar du premier Ă©pisode. On dirait que tout est fait pour bien rentrer dans les codes du patriarcat, comme le dĂ©montre implacablement cet article de Lesbiapart. Fanny Herrero, l’une des crĂ©atrices de la sĂ©rie, s’est barrĂ©. Elle semble s’ĂȘtre pris pas mal de misogynie dans la gueule. Ceci dit : il y a quand mĂȘme des moments magiques dans cette saison, le gigot, NoĂ©mie, HervĂ©, Jean Gabin. Et surtout, ça restera la seule sĂ©rie Ă avoir une hĂ©roĂŻne lesbienne en prime-time sur France fuckin 2. Merci Camille, merci Elisabeth, merci Fanny et on te pardonne Colette, va.
Futures sĂ©ries amĂ©ricaines qu’on doit surveiller au cas oĂč ce serait (les)bien : First Kill (vampires !) / A league of their own (baseball ! Abbi Jacobson ! ) / Desert People (Natasha Lyonne, Alia / Les mĂ©moires des annĂ©es collĂšge/lycĂ©e de Tegan & Sara vont devenir une sĂ©rie créée par Clea Duvall.
Sinon, il paraĂźt qu’il faut regarder Ratched et The Haunting of Bly Manor.
Livres
La littérature lesbienne (whatever that is) est trÚs vivante en cette fin 2020. Les gouines écrivent indeed.
Lisez La petite derniĂšre, mais lisez-le vraiment. On vous l’a sĂ»rement rĂ©sumĂ© en disant que ce roman parle des contradictions d’une lesbienne musulmane, entre sa foi et son orientation. Mais il faudrait aussi qu’on parle de sa plume et de la grande douceur qui en Ă©mane. Qu’est-ce que c’est bien la littĂ©rature quand ça permet de sortir un peu de soi.
Un inĂ©dit de Simone de Beauvoir, ensuite, oĂč elle raconte son histoire d’amour contrariĂ©e et triste avec Zaza.
Les Orageuses de Marcia Burnier, on y parle de sororité dans un rape & revenge enflammé.
L’autobiographie de la rĂ©cemment fiancĂ©e Megan Rapinoe, One Life, traduite par l’Ă©pouse d’une des meilleures humoristes de Twitter, sort cette semaine. On peut lire les bonnes feuilles, enfin une bonne feuille, dans Le Monde. ParaĂźt que c’est « pas mal lesbien. »
L’adaptation en BD de Vernon Subutex par Luz, pour voir comment est traitĂ©e La HyĂšne (apparemment : comme l’actrice qui joue Fig dans Orange is the new black.)

On a la foi en 2021 puisque cette nouvelle annĂ©e devrait nous apporter un nouveau roman graphique d’Alison Bechdel.
Enfin, j’espĂšre qu’Ă cette heure-ci vous avez toutes lu Le GĂ©nie lesbien d’Alice Coffin. Sinon ça peut faire un cadeau de NoĂ«l rigolo pour votre oncle un peu miso.