#56 – monde d’après

« 2020 sera lesbien » clamait au début de l’année ce graff de douceurxtreme sur un mur près de chez moi. Bon, dans l’ensemble 2020 a déjoué toutes les prophéties et rien ne s’est passé comme prévu, mais ces lettres géantes n’avaient pas tort. Voyons voir : pour la première fois, il y a désormais une lesbienne out en activité dans l’équipe de France de foot. Une écrivaine lesbienne musulmane a été la star de la rentrée littéraire, invitée sur tous les plateaux. Une chanteuse belge caracole en haut des tops Spotify et, si elle n’a pas encore proclamé son étiquette, a déclaré sa flamme à sa meuf en toute simplicité devant ses 2,8 millions d’abonné.e.s. En se levant et en se barrant, une actrice lesbienne a probablement changé la face du cinéma français. Une réalisatrice lesbienne a fait un film lesbien qui a tellement résonné dans le monde entier que son nom se porte sur des t-shirts les jours de fête aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis justement, une lesbienne noire est nommée chief of staff de la VP après avoir mené sa campagne. A la fin du prochain film, 007 ne sera plus incarné par un énième dude en costume, mais par une actrice noire, lesbienne et out. En France, depuis cet été, tout le monde peut citer le nom d’une élue au conseil de Paris, lesbienne, out et maintenant autrice. A Paris, deux endroits vont porter le nom de lesbiennes : l’allée Chantal Akerman dans le 20e arrondissement et le jardin Monique Wittig, dans le 14e.

Bien sûr, il reste énormément de travail, pour la visibilité, contre la lesbophobie. Mais peu à peu, grâce à elles et aux autres, il va devenir de plus en plus compliqué d’ignorer l’existence du génie lesbien. Leurs noms : Pauline Peyraud-Magnin, Fatima Daas, Angèle, Adèle Haenel, Céline Sciamma, Karine Jean-Pierre, Lashana Lynch, Alice Coffin.

Demi Adejuyigbe @electrolemon

Musique

Seuls et vaincus est un titre du nouvel album de Gaël Faye, chanté en duo avec Mélissa Laveaux, sur des paroles écrites par Christiane Taubira. Dois-je en rajouter pour que vous écoutiez ?

Autre ambiance, autre duo : on a regardé avec intérêt le clip de Fever de Dua Lipa et Angèle (#castré), qui nous a rappelé qu’un jour, aux Grammys, Dua Lipa a fait un live un peu olé-olé avec St Vincent (TW : ambiance lesbian twins et ongles démesurés.)

Juste avant les résultats des élections américaines, la très rare Tracy Chapman est venue sur un plateau TV nous chanter Talkin’ about a revolution, avec un petit twist à la fin. Merci à elle.

Autres clips : Aloïse Sauvage et un nombre insensé de chats / Lala &ce à la piscine / Suzane et les affres du confinement en couple.


Podcasts et radio

Christiane Taubira dans La Poudre. Tout simplement.

Un épisode de Gouinement Lundi un peu meta sur une émission de radio gouine, et avec Elodie Font.

Fracas, un podcast sur la parole qui a reçu Fatima Daas et Alice Coffin, entre autres.

Alice Coffin qui est aussi venue dans ce Modern Love, qui nous offre une intro mémorable sur les ouins-ouins .

Les points sur les i par Ari de B dans Grand bien vous fasse.

Un numéro de Foule continentale où, au détour d’une interview avec des bonnes soeurs en Ardèche, survient un coming out tout doux.

Et Adèle Haenel qui, un matin de septembre, amena les mots de Monique Wittig sur France Inter.


Cinéma français

J’hésite à appeler cette rubrique Que fait Céline Sciamma ? Ce serait plus honnête. Eh bien en ce moment, elle tourne ! C’est officiel, puisque le Film Français le dit. Que faut-il retenir ? Le film s’appelle Petite Maman. Les personnages principaux sont deux enfants de 8 ans – Nelly et Marion, probablement. Comme pour Portrait de la jeune fille en feu, la cheffe op’ est Claire Mathon. Le budget est, disons, plutôt serré. Le tournage a lieu maintenant, jusqu’à début décembre.

Sinon, Céline a fait dans la charité en offrant, avec Léa Mysius, un scénario à Papy Jacquo. Le film est aussi en tournage, il s’appelle Les Olympiades et est adapté de ce roman graphique. Le synopsis et les photos volées laissent présager, a minima, de la bisexualité et au casting sont annoncées Jehnny Beth et Noémie Merlant.
Enfin, pour clore le point Céline, sachez qu’il est en ce moment très facile de (re)voir Naissance des pieuvres et Bande de filles.

Autre film lesbien en tournage : celui de Catherine Corsini, La Fracture, où il est question de jambe cassée, de gilets jaunes, d’hôpital débordé et de divorce. Avec Marina Foïs et Valeria Bruni-Tedeschi dans les rôles de Raf et Julie.

Photos du tournage des Olympiades, crédit : twitter user @bleudelanuit

Cinéma – suite

25 novembre 2020 : c’est la date à laquelle doit sortir en streaming Happiest Season, marketée comme la première romcom de Noël lesbienne. La sortie en salles est annulée, c’est sur Hulu qu’on pourra voir Kristen Stewart et Mackenzie Davis dans ce film réalisé par Cléa Duvall et dont le titre français est – attention c’est très impressionant – Ma belle-famille, Noël et moi. La bande-annonce arrive aujourd’hui à 21h.

10 décembre 2020 : D’après le compte Instagram du film, c’est la date à laquelle nous pourrons voir Ifé, premier film de Nollywood positivement lesbien. Sa réalisatrice, Uyaiedu Ikpe-Etim,a accordé une interview à Autostraddle en septembre.  

11 décembre 2020 : Si vous n’êtes pas fatigay de l’Amérique, c’est la date à laquelle The Prom arrive sur Netflix. Qu’est-ce ? Une sorte de comédie musicale où une lycéenne veut emmener sa petite amie au bal de promo, mais c’est compliqué. Avec Kerry Washington, Meryl Streep et Nicole Kidman (quand même.)

18 décembre 2020 : Le blues de Ma Rainey (Ma Rainey’s Black Bottom en VO), toujours sur Netflix. Viola Davis incarne cette icône du blues des années 20 qui, semble-t-il, aimait à organiser des orgies lesbiennes.

Pourra-t-on voir en 2021 Saoirse Ronan et Kate Winslet lesbianiser tout en cherchant des fossiles dans Ammonite ? Nulle ne le sait, nous pouvons néanmoins regarder la bande-annonce, lire les premières critiques et rire en imaginant la comparaison avec le Sacro-Saint-Portrait.

Présenté au festival de Venise et à celui de la Roche-sur-Yon, The World to come raconte l’histoire peu joyeuse de deux femmes qui tombent amoureuses dans une campagne de l’Amérique puritaine du milieu du XIXe.

Voilà qui commence à faire beaucoup de films lesbiens en costumes, ce qui pousse à s’interroger (in english) : n’y aurait-il pas un problème avec les films lesbiens « d’époque », toujours avec des blanches ?

Dans le prochain opus de James Bond qui doit sortir en mars 2021, on verra une passation entre Daniel Craig et Lashana Lynch. Le prochain 007 sera une femme, noire et lesbienne. Les ouin-ouins se voient déjà émasculés. On avait repéré Lashana dans Captain Marvel, les shippers ont shippé. Pour le moment, pas d’informations quant aux eux James Bond girls (mais j’ai bien peur que Léa Seydoux soit encore dans les parages.)

On attend des nouvelles du biopic de Tove Jansson, du film de Verhoeven sur Benedetta, et de Nun of your business, un film documentaire sur deux ex-nonnes (décidément) en Croatie dont l’affiche nous rappelle l’une des scènes les plus drôles de The L Word.


Séries

Dix pour cent s’est finie et c’était un peu triste, moins pour la fin en elle-même que pour l’absence de sens politique qui a donné lieu aux scènes aux César du premier épisode. On dirait que tout est fait pour bien rentrer dans les codes du patriarcat, comme le démontre implacablement cet article de Lesbiapart. Fanny Herrero, l’une des créatrices de la série, s’est barré. Elle semble s’être pris pas mal de misogynie dans la gueule. Ceci dit : il y a quand même des moments magiques dans cette saison, le gigot, Noémie, Hervé, Jean Gabin. Et surtout, ça restera la seule série à avoir une héroïne lesbienne en prime-time sur France fuckin 2. Merci Camille, merci Elisabeth, merci Fanny et on te pardonne Colette, va.

Futures séries américaines qu’on doit surveiller au cas où ce serait (les)bien : First Kill (vampires !) / A league of their own (baseball ! Abbi Jacobson ! ) / Desert People (Natasha Lyonne, Alia  / Les mémoires des années collège/lycée de Tegan & Sara vont devenir une série créée par Clea Duvall.

Sinon, il paraît qu’il faut regarder Ratched et The Haunting of Bly Manor.


Livres

La littérature lesbienne (whatever that is) est très vivante en cette fin 2020. Les gouines écrivent indeed. 

Lisez La petite dernière, mais lisez-le vraiment. On vous l’a sûrement résumé en disant que ce roman parle des contradictions d’une lesbienne musulmane, entre sa foi et son orientation. Mais il faudrait aussi qu’on parle de sa plume et de la grande douceur qui en émane. Qu’est-ce que c’est bien la littérature quand ça permet de sortir un peu de soi.

Un inédit de Simone de Beauvoir, ensuite, où elle raconte son histoire d’amour contrariée et triste avec Zaza.

Les Orageuses de Marcia Burnier, on y parle de sororité dans un rape & revenge enflammé.

L’autobiographie de la récemment fiancée Megan Rapinoe, One Life, traduite par l’épouse d’une des meilleures humoristes de Twitter, sort cette semaine. On peut lire les bonnes feuilles, enfin une bonne feuille, dans Le Monde. Paraît que c’est « pas mal lesbien. »

L’adaptation en BD de Vernon Subutex par Luz, pour voir comment est traitée La Hyène (apparemment : comme l’actrice qui joue Fig dans Orange is the new black.)

On a la foi en 2021 puisque cette nouvelle année devrait nous apporter un nouveau roman graphique d’Alison Bechdel.

Enfin, j’espère qu’à cette heure-ci vous avez toutes lu Le Génie lesbien d’Alice Coffin. Sinon ça peut faire un cadeau de Noël rigolo pour votre oncle un peu miso.

0 Shares:
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You May Also Like
Read More

#61 – hét-lag

Bonjour bonjour, c’est la Mère Noëlle qui vient avec plein de liens et de nouvelles dans vos boîtes…
Read More

#60 – woke me up

Bonjour ! C’est vrai, plusieurs mois se sont écoulés depuis la dernière newsletter (oups), et quelques événements majeurs…